Inaccessible

Le château s’annonçait désert, la visite interdite. Nulle part où me cacher,

aucun fantôme. Juste un bruissement, une insistance en suspension.

Celle que soufflait la cité ? Je la percevais aussi. Loin.

Je déambulais.

Parmi les coins reculés, sur les hauteurs bordant l’aile Gaston d’Orléans,

scarifications soldatesques arrachées au tuffeau, plusieurs graffitis.

Jadis la forteresse faisait office de caserne…

Ailleurs, en contrebas, entreposées au fond des remises, des traces d’un

autre genre. Des précipités du passé qui avaient, eux, été délogés du présent.

Plâtres, statuettes, reliques, mannequins, animaux empaillés oubliés

ou en attente de restaurations, je trébuchais contre un monde parallèle.

Un monde peuplé de survivances ensevelies. De bustes, en particulier.

Quantité de bustes. Des bustes de défunts, des figures poussiéreuses,

comme embusquées. Des têtes. Des têtes à la gravité muette. Tel roi, chef figé

dans le bronze, je lui ai parlé : « Regardez-moi. Oui, un peu plus à gauche…

Comme ça, c’est bien, oui. » Photo. L’inanimé semblait reprendre vie ?

Oui, semblait. Oui ? Photo.

Photos en suivant les sous-sols, la fraîcheur intacte, tombée de l’éternité,

de leurs pierres. Photos à couvert des charpentes, entre les bois inaltérés

et l’air froissé dérobés aux forêts primaires. Photos saisies en des lieux

improbables, logiquement inaccessibles.

Le château de la pureté ?…

Le Néant parti, restent en tout cas quelques photogrammes, là, d’histoires

de l’Histoire.

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